Inflation au Canada : s’attendre à une baisse de l’inflation tout en étant prêts à toute éventualité

Même si une part d’incertitude à propos de l’inflation s’est estompée, le taux d’inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC) global demeure supérieur à la cible de la Banque du Canada, établie à 2,0 %. Nous prévoyons qu’elle reviendra à la cible d’ici la fin de 2024 en nous basant sur quelques facteurs, dont le ralentissement de l’économie canadienne et mondiale.

Toutefois, étant donné le caractère complexe des prévisions de l’inflation, les investisseurs canadiens doivent tout de même être prêts à faire face à une inflation plus élevée à court terme. La voie vers un taux d’inflation plus faible pourrait ne pas être linéaire, et nous discutons donc de scénarios qui pourraient mener à un taux d’inflation plus élevé pendant plus longtemps que prévu. Nous croyons que l’inflation diminuera à long terme, mais il est toujours préférable de se préparer à toute éventualité plutôt que de faire confiance aux prédictions.

 

L'établissement de portefeuilles dans ce contexte est très important. Nous offrons une perspective sur les différentes catégories d’actifs sous différents scénarios d’inflation au Canada à court et à moyen terme. Quel que soit le comportement de l’inflation, une diversification appropriée du portefeuille (catégories d’actifs, régions, devises) est essentielle, et nous devons tenter le plus possible d’éviter certains préjugés comportementaux. 

Partie I. Analyse de l’inflation – comparaison avec le passé

Après la pandémie mondiale, l’inflation a atteint des sommets inégalés dans les quarante dernières années. Elle est devenue l’un des enjeux les plus pressants pour les investisseurs d’aujourd’hui. La raison pour laquelle l’inflation est une considération aussi importante pour les investisseurs réside dans le fait que sa hausse entraîne une perte de pouvoir d’achat. Elle érode la valeur de l’argent si rien n’est fait pour en contrôler la hausse pendant longtemps. L’inflation est également dommageable pour l’économie au sens large. La confiance dans le monde des affaires tend à diminuer lorsqu'elle est élevée. Il peut être difficile pour les propriétaires d’entreprise de prendre des décisions relatives à la tarification et à la répartition du capital lorsqu’il y a un degré élevé d’incertitude en ce qui concerne le niveau d’inflation et les taux d’intérêt.

 

La hausse de l’inflation a commencé pendant la pandémie avec une explosion de la demande mondiale
de biens de consommation comme les voitures (neuves et d’occasion), l’équipement d’exercice, les ordinateurs, les appareils électroménagers, etc. au même moment où les chaînes d’approvisionnement mondiales ont été perturbées ou interrompues par les restrictions de santé publique. Au début de 2022, il y a eu une hausse soudaine du prix des produits de base après l’invasion russe de l’Ukraine, ce qui a accentué la hausse de l’inflation.

 

Malgré les hausses considérables des taux d’intérêt par la Banque du Canada et d’autres banques centrales mondiales, l’inflation a continué d’augmenter tout au long de 2021-2022. Bien qu’elle ait été moins prononcée que dans plusieurs pays développés, y compris aux États-Unis tableau 1, l’inflation des dernières années au Canada a été historiquement élevée. 

 

Au Canada, comme dans la plupart des économies développées, l’inflation est graduellement passée des facteurs mondiaux aux facteurs nationaux et de l’inflation sur les biens à l’inflation sur les services à mesure que les restrictions ont été levées. Elle a commencé à s’élargir au-delà de quelques catégories.
Par exemple, la part des dépenses en biens et services ayant connu une augmentation de plus de 3 % est passée d’environ 20 % en janvier 2021 à environ 60 % en décembre 2021, selon les données sur l’inflation de Statistique Canada. Lorsque l’économie canadienne a repris en 2021 et que les consommateurs ont réorienté leurs dépenses, majoritairement en biens, vers les services, les entreprises qui avaient mis à pied des employés pendant la pandémie n’avaient pas assez de personnel pour répondre à la demande des consommateurs. Par conséquent, les entreprises ont été contraintes d’augmenter les prix des services afin de pouvoir verser des salaires plus élevés, ce qui a contribué à l’inflation. Tableau 2

 

Remarques : L’indice des prix à la consommation (IPC) canadien est un indicateur de la variation des prix à la consommation. Il mesure le changement de prix en comparant le coût d’un panier fixe de biens de consommation et de services. En tant que mesure de l’inflation la plus largement utilisée, l’IPC au Canada est un indicateur de l’efficacité de la politique gouvernementale. De plus, les dirigeants d’entreprise, les dirigeants syndicaux et d’autres citoyens privés utilisent l’indice comme guide dans la prise de décisions économiques.

Partie II. Inflation au Canada : où il est possible que nous nous dirigions

 

La bonne nouvelle, c’est que nous avons commencé à constater des signes de ralentissement du taux d’inflation au Canada au cours de la dernière année. Par exemple, vers la fin de 2022, les prix de nombreux produits et services (c’est-à-dire les coûts liés à la nourriture et au logement, attribuables à des taux hypothécaires et à des loyers plus élevés) sont demeurés élevés, mais les augmentations de prix ralentissaient. Comme le montre le tableau 2, l’IPC annualisé des biens au Canada a atteint un sommet d’environ 11 % en juin 2022 (ligne dorée), et l’IPC annualisé des services peut également avoir atteint un sommet d’environ 5,6 % en décembre 2022 (ligne bleue). De plus, bien que le taux d’inflation global le plus récent en avril ait été légèrement plus élevé d’un mois à l’autre, l’inflation globale demeure bien en dessous des hauts sommets de 2022.

 

Cela est dû au ralentissement des indicateurs économiques les plus importants, puisque les taux d’intérêt au Canada ont augmenté rapidement, et à un affaiblissement des perspectives des entreprises canadiennes, selon le sondage sur les perspectives d’affaires de la Banque du Canada – premier trimestre de 2023, qui a montré des perspectives de ventes modérées et une diminution des pressions du marché du travail par rapport aux niveaux élevés. Nous avons également constaté une baisse des prix de la plupart des produits de base tandis que les pressions sur les chaînes d’approvisionnement diminuaient; les coûts d’expédition mondiaux ont diminué et les prix des produits comme les voitures d’occasion ont redescendu de leur sommet. Aujourd’hui, la situation au Canada semble moins complexe que bon nombre de ses homologues mondiaux. Les anticipations d’inflation ont diminué, et la Banque du Canada prévoit qu’elle ralentira à 3 % d’ici la mi-année avant de revenir à la cible en 2024.

 

Le tableau 3 corrobore ces prédictions en illustrant une relation étroite entre l’indice des prix à la production canadien avancé sur 1 an et les mesures d’inflation privilégiées de la Banque du Canada – l’IPC-tronq et l’IPC-comm. Comme le tableau l’indique, les prix plus bas auxquels les producteurs font face devraient se traduire par des mesures plus basses de l’IPC à court terme.

 

Remarques : IPC-tronq est une mesure de l’inflation fondamentale qui exclut de l’IPC les composantes dont les
taux de variation, au cours d’un mois donné, se situent dans les queues de la distribution des variations de prix. 

 

Cette mesure permet de cerner et d’exclure les variations de prix extrêmes qui pourraient être causées par des facteurs spécifiques à certaines composantes. IPC-méd est une mesure de l’inflation fondamentale qui correspond à la variation de prix se situant au 50e centile de la distribution des variations de prix au cours d’un mois donné, pondérées selon les poids des composantes dans le panier de l’indice des prix à la consommation. Cette mesure permet de cerner et d’exclure les variations de prix extrêmes spécifiques à certaines composantes. Cette approche est similaire à celle de l’IPC-tronq, puisqu’elle élimine toutes les variations mensuelles pondérées des prix autant du bas que du haut de la distribution des variations de prix dans un mois donné, à l’exception de la variation de prix de la composante qui est le point médian de cette distribution. IPC-comm est une mesure de l’inflation fondamentale qui extrait les mouvements communs des prix entre les catégories du panier de l’IPC. Cette mesure utilise une procédure statistique, soit un modèle d’analyse factorielle, pour détecter les variations communes et, donc, elle permet de cerner et d’exclure les variations de prix qui pourraient être causées par des facteurs spécifiques à certaines composantes.

 

Comme le précise le tableau 4, nous prévoyons que l’inflation canadienne devrait être modérée à un taux plus faible et plus stable, et se rapprochera de la cible de 2,0 % de la Banque du Canada au cours de 2023-2024. 

 

Certes, bien que nous croyions que l’inflation au Canada diminuera au cours des deux prochaines années, le sujet demeure complexe. Malgré la récente série de mesures indiquant que nous allons dans cette direction, il reste des forces inflationnistes persistantes dans les marchés du logement et du travail.
Nous tentons de résumer les complexités de la situation dans le tableau 5 en comparant les tendances potentielles inflationnistes et désinflationnistes sur des périodes à court, moyen et long terme. 

 

Voici certains des facteurs qui influenceront à plus long terme l’inflation ou la désinflation au Canada et au Québec :

 

  • L’infrastructure verte, y compris la transition de l’énergie, comprend les investissements publics et privés pour se retirer des sources d’énergie moins coûteuses, qui pourraient initialement être inflationnistes. Cependant, il est probable qu’au fil du temps, ces sources d’énergie alternatives nous fassent réaliser des économies d’échelle grâce à des mesures incitatives fiscales ainsi qu’à des taux d’adoption plus élevés, et deviennent désinflationnistes.
  • La démondialisation et la délocalisation intérieure peuvent initialement être inflationnistes – cela comprend les projets visant à éviter les longs délais d’exécution et les grandes chaînes d’approvisionnement, la recherche de produits et de fournisseurs plus près de la maison, et le passage des stocks « juste-à-temps » aux stocks « au-cas-où ».
  • Faible participation de la main-d’œuvre – à mesure que les gens sortent de la population active (pour prendre leur retraite, par exemple), une pénurie de main-d’œuvre peut placer plus de pouvoir de négociation entre les mains des employés, ce qui exerce une pression à la hausse sur les salaires. Le potentiel de croissance de la productivité en raison des progrès technologiques (p. ex., intelligence artificielle, robotique) peut venir compenser cette situation. 

Où pourrions-nous nous tromper dans nos perspectives d’inflation au Canada?

 

Dans le cadre de notre philosophie de placement, nous cherchons à comprendre les risques potentiels d’autres scénarios afin d’être préparés à toute éventualité plutôt que de ne faire confiance qu’à nos prédictions. Voici quelques contrepoints à nos perspectives d’inflation :

 

  • L’inflation n’a peut-être pas encore atteint son sommet. Bien qu’à la baisse, l’inflation demeure au-dessus de la cible de 2,0 % de la Banque du Canada. Il existe des facteurs externes qui échappent au contrôle de la Banque du Canada, tels que les prix mondiaux de l’énergie, qui peuvent persister et contribuer à l’augmentation de l’inflation et des anticipations d’inflation à l’échelle mondiale. Bien que le taux d’inflation des biens et que la croissance des salaires aient diminués, ces deux facteurs pourraient augmenter à nouveau. Nous notons qu’en comparaison aux États-Unis, un pourcentage plus élevé de travailleurs syndiqués au Canada pourrait entraîner une augmentation de la pression salariale à court terme.
  • Le retour à la cible de 2,0 % pourrait être plus lent que prévu. L’inflation canadienne a peut-être déjà atteint un sommet, mais les périodes de comparaison faciles sont terminées. Les pressions inflationnistes sont également vastes, ce qui signifie que plus de 50 % des composantes de l’IPC 2023 affichent une croissance supérieure à 5 % sur douze mois au moment où nous rédigeons cet article. La réduction des coûts d’hébergement et de logement peut prendre plus de temps à se manifester dans les mesures d’inflation globales comme l’IPC, ce qui met nos prévisions en péril. En même temps, il y a un risque de stagflation où la croissance ralentit tandis que le taux d’inflation demeure élevé.
  • Les anticipations d’inflation pourraient commencer à monter. L’histoire nous indique que si l’inflation demeure trop élevée pendant trop longtemps, elle pourrait bien s’établir. Nous portons une attention particulière à plusieurs mesures des anticipations d’inflation, y compris les anticipations observables sur le marché obligataire. La bonne nouvelle, c’est qu’en date du 15 mai 2023, les prévisions canadiennes sur 5 ans et sur 10 ans sont presque ou juste en dessous de la cible d’inflation de 2,0 % de la Banque du Canada. 

Partie III. Inflation au Canada : comment bâtir des portefeuilles durables – se préparer plutôt que prévoir :

 

Comme nous l’avons mentionné précédemment, il est préférable de se préparer à toute éventualité plutôt que de faire confiance aux prédictions. L’inflation au Canada est un enjeu complexe et important qui touche les investisseurs et qui n’a pas vraiment été un problème depuis quelques décennies. Bien que nous nous attendions à ce que l’inflation continue de baisser au cours des deux prochaines années, les portefeuilles d’investissement doivent être préparés à n’importe quel contexte.

 

Le régime économique qui a dominé les dernières décennies, marqué par une faible croissance et un taux de désinflation, pourrait ne pas persister à l’avenir. Il y a un biais désinflationniste inhérent si vous deviez tirer des hypothèses uniquement de ces périodes dans le passé qui pourrait entraîner quelques distorsions, notamment une surestimation du rôle du revenu fixe dans la réduction du risque lié au portefeuille.

 

Chez Morgan Stanley, nous cherchons à réduire l’impact d’un biais désinflationniste sur nos hypothèses d’avenir en reconnaissant le potentiel de différents régimes macroéconomiques dans le cycle économique. Notre méthodologie tente de corriger ce biais désinflationniste involontaire en faisant la synthèse de données représentatives de l’histoire qui remonte à plus loin dans le passé. Dans notre approche, nous trouvons que les liquidités, les actifs réels et les actions internationales peuvent devenir plus attrayants dans un contexte de portefeuille que ce que les cycles récents pourraient laisser croire, alors que les actifs à revenu fixe et les actions sensibles aux taux d’intérêt pourraient être moins attrayants.

 

Notre tactique de répartition actuelle des actifs favorise les liquidités, les obligations à court terme,
le crédit de niveau de placement, les actions de croissance de dividendes mondiaux et les actions canadiennes/internationales par rapport aux actions américaines. Et du point de vue de la devise,
nous nous attendons à l’appréciation du dollar canadien par à rapport au dollar américain au cours de 2023-2024.

 

Chaque investisseur est confronté à ses propres objectifs de placement, à sa tolérance au risque et à sa capacité de gestion du risque, à ses besoins en liquidités et à ses circonstances uniques, tous déterminants de la décision de répartition de l’actif. Par conséquent, il n’y a aucun substitut aux principes de diversification appropriés de la gestion des risques, par catégorie d’actifs, par région, par style et par devise, à tout moment du cycle économique.

 

Veuillez communiquer avec votre gestionnaire, Services financiers personnels Morgan Stanley si vous avez des questions ou des préoccupations.